DIAPASON 555

Laurent MARTIN

FREDERIC CHOPIN

1810-1849

 

Nocturnes op. 9 nos 1,

op. 27 nO 2, op. 32 nO 1. Fantaisie-

Impromptu. Mazurkas op. 17 nO 4,

op. 67 nO 4. Polonaise op. 26.

Valse op. posth. Ballade op. 23.

Nocturne op. 72 nO 1, BI 49, BI 108.

Valses op. 64 nos 1 et 2 et op. 69.

Laurent Martin (piano).

Ligia Digital LID]01 0318807,

distr. HM. 0 2005, TT: 1 h 11'.

TECHNIQUE:6/10

 

Le repos du guerrier ?

Pas vraiment, et pourtant, c'est une pause dans l'exemplaire

carrière discographique de Laurent Martin qui depuis longtemps défend des compositeurs qui n'encombrent ni les salles de concert ni les bacs des disquaires: Alkan, Mel Bonis, Boëly,Onslow ont trouvé en lui un héraut talentueux... ce que confirme ce splendide récital: il joue Chopin avec une sonorité large, chantante, cuivrée, des basses profondes - nettes et en place ! -, un sens rare de la polyphonie et du rubato.

Dans un programme variant les climats et les époques, chaque pièce trouve sa juste lecture, et quand on dresse l'oreille devant un tempo que l'on trouve un peu trop lent pour un nocturne, immédiatement le poids du son, sa longueur, l'appui sur les graves le justifient, Laurent Martin à une oreille remarquable pour mettre ensemble harmonie, mélodie et polyphonie... ce qui n'est pas si fréquent. Et sans aucune volonté professorale ou démonstrative: il semble inventer la musique à mesure qu'elle avance. Le pianiste dit qu'il a été marqué par la découverte du Chopin classique de Rubinstein, mais à la vérité, il ne tient guère de lui, il est plus fuligineux, plus tourmenté, plus sombre. A l'image du tableau de Delacroix qui orne la pochette.

Alain Lompech

DIAPASON février 2008

 

 

 

LA MONTAGNE Dimanche 27 avril 2008

Evidence pianistique

Laurent Martin, Chopin patricien

 

La forme se domine et porte, elle est porte qui s'ouvre et livre sa clarté, respire en plein espace  (...)

La ligne et sa brusque tension assaillent les regards, si le calme renaît, il fleurit sous l'accord... (*)

 

Choc en découvrant le Chopin de Laurent Martin, chez Ligia Digital.

On se précipite sur Cortot, Samson François, Rubinstein, Arrau, Lipatti, Perlernuter, Pollini ou la trop confidentielle Novaes.

Plus près de nous, on réécoute Freire, Kissin. Lugansky. Du (beau) monde sur les rangs ! Alors on repasse encore et encore Martin.

Pause. Longue de préférence. Et on reprend tout à zéro. Émotion intacte : il est des évidences qui ne sauraient tromper. Fulgurance de la transparence que l'interprète ne doit qu'à la pureté et à la rectitude d'un jeu entier et dominateur, d'une impeccable projection patricienne.

Pas d'esbroufe, de distorsion cadentielle, de gauchissement cosmétique de la syntaxe en quête d'épate. Ce pianiste, au rare toucher de plénitude, partage avec le poète belge cité en exergue cette culture pour une trop grande discrétion. Posture souligne Charles Dobzinski dans sa préface qui permet à Philippe Jones de

s'interdire de "revendiquer une situation privilégiée".

Et comme à l'exhortation de Jones, Laurent Martin semble "dans l'élan ultime et la forme première [accorder] la raison d'être à la raison d'espérer".

Comment ne pas rester confondu devant cet art du legato qui conserve aux sons toute leur netteté dans une longue respiration ininterrompue ? Les silences mêmes y revêtent une dimension organique, poursuivant la poésie dans cet espace merveilleusement ténu des harmoniques. Science et sensibilité mélodique, auxquelles bien peu de grands noms plus haut cités ont su accéder. Un chant précis jusqu'à l'incise, jusqu'à l'ascèse poétique et d'une incroyable finesse d'exécution.

Chopin pertinemment plus réfléchi que sentimentalement extraverti. Enfin intelligent ?

A preuve, les cinq Diapasons accordés par la revue du même nom sous la plume du pourtant redoutable Alain Lompech...    

 

Roland Duclos

 

*Trace plurielle de Paroles données dans le premier volume des œuvres de Philippe Jones,

consacré à sa poésie, aux éditions La Différence